Photo of fiber cables hung up above a street in Thailand.

Analyse de la résilience de l’internet en Thaïlande

Picture of Robbie Mitchell
Communication and Tech Advisor, Internet Society
Catégories:
Twitter logo
LinkedIn logo
Facebook logo
February 20, 2024

La semaine prochaine, la plus grande conférence internationale sur l’internet en Asie-Pacifique, APRICOT 2024, se tiendra à Bangkok, en Thaïlande. Nous avons pensé faire la lumière sur la santé et la résilience de l’internet dans le pays d’accueil pour ceux qui y participent en personne ou virtuellement.

Adopter une stratégie fixe

Comme beaucoup de ses voisins de l’ANASE, la Thaïlande a considérablement développé son écosystème Internet au cours des sept dernières années, grâce à plusieurs politiques et projets nationaux à long terme – Thailand 4.0, Digital Thailand et Giga Thailand – qui visent à transformer la Thaïlande et la région en un centre technologique. Toutefois, contrairement à la plupart de ses voisins, la Thaïlande s’est surtout concentrée sur l’amélioration de son réseau fixe à large bande.

L’un des projets les plus souvent cités pour illustrer cette orientation est le projet Village Broadband Internet Project, ou Net Pracharat (Net pour le peuple), qui a étendu la portée des services Internet à haut débit par le biais de points d’accès à large bande sans fil et à ligne fixe à 75 000 villages, et ce n’est pas fini.

Grâce à cette stratégie et à d’autres stratégies “axées sur le fixe”, la performance de la Thaïlande en matière de haut débit fixe est passée de la 34e place en 2018 à la 11e (en janvier 2024) au niveau mondial, et le nombre de ménages disposant d’un haut débit fixe est passé de 12,79 millions d’abonnés en 2016 à 21,34 millions en 2022.

En janvier 2023, la vitesse médiane de téléchargement mobile en Thaïlande était classée au 4e rang des pays de l’ANASE et au 63e rang mondial (figure 1).

Capture d'écran du tableau de bord OOKLA montrant les mesures de performance en matière de téléchargement, de chargement et de latence pour le haut débit mobile et fixe en Thaïlande, ainsi que le classement mondial.
Figure 1 – Mesures des performances de la Thaïlande en matière de haut débit mobile et fixe et classement mondial. Source : OOKLA : OOKLA.

Si l’on considère que 83 % de la population thaïlandaise accède à l’internet par le biais de la téléphonie mobile, il s’agit d’un écart assez important qui a eu un impact sur la résilience globale de l’internet dans le pays, qui se classe au troisième rang des pays d’Asie du Sud-Est selon l’indice de résilience de l’internet Pulse (IRI) (figure 2).

Capture d'écran des scores de l'indice de résilience de l'internet pour les pays d'Asie du Sud-Est.
Figure 2 – Le score de 51 % de l’indice de résilience de l’internet de la Thaïlande la place au troisième rang des pays de l’Asie du Sud-Est et au treizième rang des pays de la région Asie-Pacifique. Source : Pulse.
Qu’est-ce que l’indice de résilience Internet Pulse ?

Une connexion Internet résiliente maintient un niveau de service acceptable face aux pannes et aux difficultés de fonctionnement. L’indice Pulse de résilience de l’internet compare plus de 25 paramètres liés à la résilience de l’internet, classés en quatre catégories : infrastructure, performance, sécurité et préparation du marché.

Comprendre la résilience de l’internet en Thaïlande

Si l’on examine de plus près le profil IRI de la Thaïlande (figure 3), on constate que si les performances du réseau mobile sont inférieures à celles de tous les réseaux fixes, elles ne constituent pas nécessairement le problème le plus pressant pour la résilience globale de l’internet en Thaïlande, pas plus que la résilience de l’internet en général.

En revanche, deux indicateurs relatifs à l’infrastructure (portée de la fibre optique à 10 km, centres de données) et deux indicateurs relatifs à la préparation du marché (nombre de domaines et efficacité du peering), ainsi qu’un indicateur relatif à la sécurité (validation DNSSEC), sont tous inférieurs à la moyenne.

Capture d'écran du profil de l'indice de résilience de l'internet en Thaïlande
Figure 3 – Profil de l’indice de résilience de l’internet en Thaïlande. Source : Pulse.

Fibre 10km de portée

Les réseaux de câbles en fibre optique fournissent une connectivité de données à haut débit, mais leur portée est limitée aux populations situées en dehors des zones urbaines et suburbaines. Selon l’UIT, seuls 2,29 milliards de personnes (~29%) vivent dans le monde à moins de 10 km des réseaux actuels de câbles à fibres optiques (2021). Mais cela ne veut pas dire qu’ils peuvent s’y connecter.

En Thaïlande, on estime que 19 % de la population vit à moins de 10 km d’un câble à fibres optiques. Toutefois, ce chiffre ne tient probablement pas compte des travaux récents visant à étendre la fibre optique aux zones rurales.

Si tel est le cas, il serait recommandé de développer un système de cartographie publique similaire à celui du Canada afin de montrer et de partager une couverture actualisée. Cela aiderait également à planifier les futurs projets de fibre optique.

Centres de données

Les centres de données sont rapidement devenus des infrastructures Internet essentielles et leur importance continue de croître de manière exponentielle. Cette croissance n’est pas seulement destinée à accueillir les technologies futures – l’internet des objets, les grands modèles d’apprentissage (LLM) et les technologies informatiques quantiques – mais aussi les services en nuage, de diffusion en continu et de jeux, qui sont améliorés par le fait que le contenu est stocké aussi près que possible des utilisateurs.

Selon PeeringDB, la Thaïlande compte 34 centres de données servir ses quelque 72 millions d’habitants. En comparaison, Singapour, avec une population d’environ 6 millions d’habitants, compte 47 centres de données.

Diagramme à barres montrant le nombre de centres de données par pays dans la région Asie-Pacifique.
Figure 4 – Nombre de centres de données par pays dans la région Asie-Pacifique. Les colonnes surlignées sont celles des pays de l’ANASE. Source : PeeringDB.

Pour que la Thaïlande tire pleinement parti du réseau de fibres optiques qu’elle a mis en place afin de réaliser son virage numérique à long terme, elle devra augmenter considérablement ce nombre, et pas seulement dans les grandes villes.

Compte du domaine

De tous les indicateurs de résilience de la Thaïlande, le nombre de domaines est le plus faible (2 %). Selon Domain Tools (figure 5), 76 879 domaines .th ont été enregistrés, soit le cinquième plus petit nombre de tous les domaines de premier niveau de code de pays (ccTLD) de l’ANASE et le troisième plus petit nombre par population, devant le Brunei et le Myanmar.

Diagramme à barres montrant le nombre de domaines ccTLD enregistrés localement par pays de l'ANASE.
Figure 5 – Nombre de domaines ccTLD enregistrés localement par pays de l’ANASE. Source : Domain Tools.

La mesure du nombre de domaines ccTLD par habitant donne une idée approximative de la quantité de contenu local produit. Le faible nombre de domaines par habitant en Thaïlande indique qu’il y a soit un manque de :

  • Connaissance des domaines .th
  • Intérêt pour l’enregistrement de sites avec un domaine .th
  • Un contenu local qui justifie un domaine .th.

Efficacité du peering

L’efficacité du peering est un rapport entre le nombre de réseaux (appelés systèmes autonomes ou AS) qui s’appuient sur des points d’échange Internet (IXP) et le nombre total d’AS attribués dans un pays.

Si l’on examine le rapport national Pulse pour la Thaïlande, on constate que ce pays compte 607 AS assignés, dont 130 s’appuient sur un ou plusieurs des 12 IXP du pays (figure 6).

Capture d'écran des mesures du rapport national Pulse pour la Thaïlande montrant le nombre de réseaux attribués (n=607), le nombre d'IXP (n=12) et le nombre de réseaux effectuant du peering aux IXP (n=130).
Figure 6 – La Thaïlande a le double du nombre moyen d’IXP en Asie et se classe au 7e rang en Asie pour le nombre de réseaux qui communiquent avec ses IXP. Source : Pulse.

Il convient de souligner ici l’excellent travail réalisé par la Thaïlande ces dernières années pour mettre en place un grand nombre d’IXP, qui sont essentiels pour maintenir le trafic au niveau local au lieu de l’envoyer via des itinéraires internationaux, ce qui permet d’améliorer la résilience, la stabilité, l’efficacité et la qualité à un moindre coût.

Le fait d’encourager davantage de réseaux à s’interconnecter aux IXP et d’établir davantage d’IXP à proximité de ces réseaux contribuera grandement à améliorer cette mesure et la résilience de l’infrastructure habilitante de la Thaïlande, mais surtout, il permettra à ces réseaux et à leurs clients de bénéficier des avantages de l’interconnexion locale.

En savoir plus sur la vision 50/50 de l’Internet Society, qui vise à ce qu’au moins la moitié du trafic Internet dans les économies émergentes reste locale d’ici à 2025.

Validation DNSSEC

Dans l’ensemble, la Thaïlande a fait un travail remarquable pour renforcer la sécurité de l’internet. La seule exception est la validation DNSSEC (Domain Name System Security Extensions).

Le DNS est un système essentiel qui traduit les noms conviviaux (internetsociety.org) en nombres conviviaux (2001:41c8:20::b31a). DNSSEC sécurise ces informations en utilisant des techniques cryptographiques pour valider leur authenticité, réduisant ainsi le risque de falsification.

Le ccTLD thaïlandais a adopté le DNSSEC, qui est un élément essentiel pour assurer la résilience du DNS. Toutefois, selon APNIC Labs, le pourcentage d’internautes thaïlandais validant les DNSSEC est de 7,3 %, ce qui les place dans le dernier tiers des pays de la région Asie-Pacifique. En outre, le rapport Pulse sur les pays indique que seulement 1 % des domaines .th sont signés DNSSEC.

La validation des DNSSEC est l’une des meilleures pratiques actuelles promues par le programme KINDNS de l’ICANN.

Réviser, entretenir et poursuivre

L’internet est devenu une ressource indispensable pour l’information, la communication et la connexion humaine, qui a alimenté une croissance économique extraordinaire et catalysé le progrès social.

En tant que tel, nous devons nous assurer qu’en cas de défaillance ou de problème, il peut maintenir un niveau de service acceptable. Pour ce faire, il faut avoir une vision globale de l’écosystème qui soutient l’internet.

La Thaïlande a fait un travail admirable pour développer son infrastructure Internet au cours de la dernière décennie, sachant que cela constituera la base de sa vision numérique à long terme.

En réexaminant et en traitant les domaines dans lesquels elle n’a pas encore investi autant de temps et de ressources que dans d’autres domaines, elle continuera à maintenir et à préserver sa croissance et son avance sur le marché.

Regardez la présentation “Indexing South East Asia’s Internet Resilience” à APRICOT 2024