L’Inde est largement considérée comme la plus grande démocratie du monde, mais elle détient également la distinction douteuse d’avoir le plus grand nombre de fermetures d’Internet dans le monde. Rien qu’en 2020, 109 fermetures ont eu lieu dans le pays. En revanche, le pays qui vient en deuxième position pour le nombre de fermetures (le Yémen) n’en a compté que six. Le gouvernement indien justifie généralement ces mesures par la nécessité de rétablir l’ordre public ou de prévenir les troubles sociaux causés par les “fake news” et la désinformation en ligne. I ai voulu comprendre les causes de ce nombre relativement élevé de fermetures d’Internet en Inde et j’ai mené des recherches approfondies et un travail de terrain approfondi tout au long de l’année 2020 dans deux États indiens où les fermetures sont fréquentes, afin de tenter de découvrir certaines des causes de cette tendance inquiétante.
J’ai commencé par décrire le processus décisionnel officiel qui sous-tend la mise en place d’une fermeture. Dans le système fédéral indien, la responsabilité d’ordonner une fermeture en cas d'”urgence publique” incombe aux bureaucrates qui dépendent des autorités de l’État, et non au gouvernement central. Bien que ces bureaucrates soient en fin de compte responsables de la signature des ordres de fermeture, le gouvernement de l’État exerce une telle influence sur eux que ces personnes décident essentiellement des fermetures en fonction des intérêts de leurs maîtres politiques. Et plutôt que d’être une option de dernier recours, les fermetures d’Internet sont progressivement devenues la première option initiale pour les fonctionnaires confrontés à des problèmes de troubles communautaires ou sociaux.

Mes recherches indiquent que les manifestations politiques et les tensions communautaires ont tendance à déclencher ces fermetures. Lorsque des manifestations politiques ou des protestations sont organisées et que le gouvernement de l’État ou le gouvernement central les jugent menaçantes, il est probable qu’une fermeture s’ensuive. En décembre 2019, par exemple, des États ont coupé l’accès à l’internet dans le cadre d’une campagne de répression contre ceux qui protestaient contre la loi controversée “Citizen Amendment Act”. De même, les tensions communautaires entre les habitants des quartiers du pays ont tendance à déboucher sur des fermetures.
L’augmentation des fermetures d’Internet est particulièrement problématique dans les États du nord et du nord-est de l’Inde. L’ancien État (aujourd’hui Territoire de l’Union) du Jammu-et-Cachemire a connu à lui seul 230 fermetures au cours de ma période d’analyse. Au Jammu-et-Cachemire, les fermetures sont beaucoup plus fréquentes et durent plus longtemps que partout ailleurs dans le pays. Contrairement à d’autres régions, des coupures d’Internet se produisent également au Jammu & Cachemire avant et pendant les élections. Alors que le gouvernement indien affirme que ces fermetures sont nécessaires pour maintenir la paix, de nombreux observateurs affirment qu’elles servent à réprimer l’action collective et à dissimuler les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité gouvernementales.
Ces conclusions collectives suggèrent qu’il est nécessaire d’utiliser une optique politique, plutôt qu’une perspective purement axée sur la loi et l’ordre, pour vraiment comprendre l’augmentation des fermetures d’Internet en Inde. Mon rapport complet, intitulé ” Understanding India’s Troubling Rise in Internet Shutdowns : A Qualitative and Quantitative Analysis, est disponible pour lecture ici .
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Avertissement : les points de vue exprimés dans ce billet sont ceux de l’auteur et peuvent ou non refléter les positions officielles de l’Internet Society.
Photo de Praveen Gupta sur Unsplash
Pour en savoir plus sur les fermetures d’Internet, consultez notre outil de suivi des fermetures.