Les réseaux de satellites en orbite terrestre basse (LEO) gagnent rapidement du terrain. Ils promettent aux utilisateurs quotidiens de l’internet une latence remarquablement faible, une largeur de bande élevée et une portée mondiale. Mais quelle est la validité de ces promesses ?
Récemment, mes collègues et moi-même avons effectué l’analyse la plus diversifiée sur le plan géographique de la latence des satellites LEO, montrant que la latence varie considérablement selon l’endroit où vous vous trouvez dans le monde. D’après les mesures effectuées auprès de 2 400 utilisateurs dans 27 pays, les clients de l’internet par satellite au Nigeria connaissent le temps de latence moyen le plus élevé (temps de trajet aller-retour ou RTT), suivis par ceux du Brésil. Aux États-Unis, c’est en Géorgie que la latence moyenne est la plus élevée (58 ms).
Dans un cas (figure 2), le RTT d’un client nigérian a augmenté de 2 à 5 fois la médiane, ce qui indique que le service par satellite, en l’occurrence Starlink, connecte probablement les clients à des stations terrestres éloignées.
Ces résultats sont comparables aux performances du Nigeria en matière de latence fixe et mobile, comme l’indique l’indice Pulse de résilience de l’internet.
Dans l’ensemble de l’étude, au moins 70 % de tous les utilisateurs ont connu au moins un temps de latence soutenu chaque jour pendant la collecte de données de 5 minutes qui a duré un mois.
Les ingénieurs de Starlink ont confirmé par la suite que ces pics de latence soutenus sont dus au fait que les clients utilisent des lasers/liaisons inter-satellites (ISL), qui passent par des stations terrestres situées n’importe où dans le monde, et pas nécessairement à proximité géographiquement. Ils ont indiqué qu’ils étaient encore en train de construire leur “maillage” ISL et qu’ils espéraient améliorer les performances des cas limites au fil du temps.
Historique des satellites LEO
Les réseaux de satellites LEO sont constitués de centaines, voire de milliers de satellites en orbite à une distance de 180 à 1 300 miles de la Terre. L’architecture LEO la plus basique et la plus largement déployée suit un schéma de routage de type “tuyau coudé” (figure 1) : lorsqu’un client LEO envoie un paquet à l’internet public, le paquet est envoyé à un satellite à l’aide d’une antenne parabolique et est reçu par une station au sol avant d’être transmis à un point de présence (POP). Certaines architectures satellitaires récentes sont équipées d’ISL, qui permettent aux satellites de se relayer les uns les autres dans l’espace jusqu’à ce qu’une station au sol soit en vue.
L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Pérou enregistrent les temps de transit les plus courts, en moyenne inférieurs à 30 ms. Ces trois pays sont entourés d’au moins six stations terrestres accessibles par un seul saut de satellite.
L’auto-stop : Une nouvelle méthode de mesure des LEO
Les méthodes traditionnelles utilisées pour étudier les réseaux de satellites LEO présentent des compromis inhérents entre la collecte de données réelles, la couverture des points d’observation, la main-d’œuvre et le coût monétaire. Par conséquent, la communauté des chercheurs en sait relativement peu sur le fonctionnement et les performances des satellites LEO dans la pratique.
Dans le cadre de cette étude, nous avons créé HitchHiking, une nouvelle méthodologie à code source ouvert qui permet d’effectuer des mesures partout où se trouvent des clients satellites dans le monde. HitchHiking s’appuie sur l’idée essentielle selon laquelle le fait de sonder les dispositifs acheminés par satellite publiquement exposés peut révéler l’architecture et les caractéristiques de performance du réseau satellitaire sous-jacent.
Contrairement aux méthodes “inside-out” utilisées précédemment (connexion d’un instrument de mesure à une antenne parabolique), qui nécessitent un accès physique à des points d’observation privilégiés, la méthode “outside-in” de HitchHiking ne nécessite pas de matériel spécialisé ni de recrutement minutieux.
Ce travail a été présenté à SIGMETRICS 2024. Vous pouvez lire l’article.
Liz Izhikevich est professeur adjoint au département d’ingénierie électrique et informatique de l’université de Californie à Los Angeles. Ses recherches s’appuient sur une approche fondée sur les données pour comprendre les performances et la sécurité de l’internet.
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.
Photo par Evgeny Opanasenko sur Unsplash