Au cours de la dernière décennie, le Venezuela a été confronté à une crise profonde qui a touché tous les aspects de sa société, de la santé à l’énergie en passant par l’économie. Son produit intérieur brut (PIB) par habitant s’est contracté de 77 % et l’inflation a grimpé à 32 000 %!
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs en informatique de l’université Northwestern examine, pour la première fois, l’impact des défis multiformes du Venezuela sur l’infrastructure Internet du pays au cours de cette période.
Selon les auteurs, il est impératif de comprendre les répercussions de la crise sur une composante aussi essentielle de la société moderne que l’internet pour tracer la voie de la reprise.
L’étude offre une vue d’ensemble de la détérioration de l’infrastructure Internet du Venezuela, de l’infrastructure centrale aux réseaux d’accès.
Un nouveau câble sous-marin, pas de nouveaux IXP en 20 ans
Au cours des 20 dernières années, l’Amérique latine a connu une croissance substantielle des infrastructures de réseau essentielles, notamment des câbles sous-marins et des points d’échange Internet (IXP), afin d’optimiser l’échange de trafic au niveau local.
Cela n’a pas été le cas au Venezuela, où une seule nouvelle connexion par câble sous-marin avec Cuba a été ajoutée depuis 2001 (figure 1), et où aucun nouvel IXP n’a été établi. En comparaison, son voisin, la Colombie, a ajouté six nouveaux réseaux de câbles sous-marins et sept IXP. Ce manque d’investissement a privé le fournisseur d’accès à l’internet de l’État vénézuélien, CANTV, de voies de transit basées aux États-Unis et l’a rendu plus dépendant des marchés nationaux.
Les vitesses de l’internet sont près de 10 fois inférieures à la moyenne régionale
Les conséquences de ces divergences sont frappantes si l’on considère les performances de l’internet.
Par exemple, alors que les vitesses de téléchargement mondiales se sont considérablement améliorées, la vitesse de téléchargement moyenne du Venezuela stagne en dessous de 1 Mbps depuis plus d’une décennie. En revanche, des pays comme l’Argentine et le Brésil, autrefois comparables au Venezuela, ont connu une croissance soutenue de leurs vitesses Internet. La vitesse médiane pour le reste de l’Amérique latine est d’environ 20 Mbps (figure 2).
L’infrastructure du système de noms de domaine (DNS) du Venezuela montre également des signes évidents de déclin. Pour que le DNS soit efficace, les serveurs doivent être proches des utilisateurs afin de réduire le temps de réponse et de garantir la résilience. L’étude montre que les quelques serveurs DNS fonctionnant dans le pays sont devenus inaccessibles à l’intérieur du pays, et que les utilisateurs qui s’appuient sur le service DNS public populaire de Google sont confrontés à des temps de latence deux fois plus élevés que la moyenne régionale.
La revitalisation de l’infrastructure Internet est essentielle pour la reprise à venir
Au cours de la dernière décennie, le Venezuela a traversé l’une des crises les plus profondes de l’histoire moderne, probablement la plus profonde de tous les pays qui n’ont pas connu la guerre ces derniers temps. Cette situation a eu un impact considérable sur l’infrastructure de réseau du pays, et la revitalisation de cette infrastructure critique doit faire partie de tout effort de redressement futur.
Le document d’étude sera présenté lors de la conférence 2024 ACM SIGCOMM, la conférence annuelle phare du Special Interest Group on Data Communication, qui se tiendra à Sydney, en Australie.
Esteban Carisimo est chercheur postdoctoral à AquaLab, dans le département d’informatique de l’université Northwestern.
Collaborateurs : Rashna Kumar (Northwestern University), Caleb J. Wang (Northwestern University), Santiago Klein (Universidad de Buenos Aires) et Fabián E. Bustamante (Northwestern University).
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.