- Le Bangladesh a connu des fermetures d’Internet et des blocages de services presque chaque année depuis 2009, les plus récents ayant eu lieu en juillet et en août de cette année.
- Un groupe bénévole local de la société civile a élaboré un projet visant à suivre les événements liés à la fermeture d’Internet et à la censure numérique au Bangladesh et à sensibiliser la communauté locale à l’impact de ces événements.
- Le groupe développe une version open-source de son tableau de bord Shutdown Watch, permettant aux communautés du monde entier de mettre en place leurs propres plateformes de surveillance des fermetures d’Internet.
Le 17 juillet, les services d’Internet mobile au Bangladesh ont été fermés à la suite de protestations d’étudiants et de citoyens. Le lendemain, l’Internet à large bande a également été suspendu, plongeant le pays dans un black-out quasi-total des communications.
Le 23 juillet, un accès limité à la large bande a été rétabli, mais les services Internet généralisés n’ont repris que le 24 juillet, après que d’importantes violences policières eurent fait des centaines de victimes. Bien que les représentants du gouvernement aient d’abord nié toute implication dans les fermetures, des enquêtes ont ensuite confirmé que le black-out était dirigé par l’État. L’accès complet à Internet a finalement été rétabli le 5 août, coïncidant avec la démission du gouvernement de l’époque.
Cette fermeture récente n’est pas un événement isolé.
L’histoire des coupures d’Internet au Bangladesh
Les coupures d’Internet sont une réalité récurrente au Bangladesh, les citoyens subissant des perturbations presque chaque année depuis 2009. Ces fermetures vont de la coupure totale du réseau au blocage des communications et des applications de médias sociaux, en passant par des réductions intentionnelles de la vitesse de l’internet. Selon une enquête du projet Optima, une initiative internationale axée sur les fermetures d’Internet, le Bangladesh a connu 17 incidents entre 2012 et la mi-2022.
Pour de nombreux Bangladais, l’état de la liberté de l’internet reste un sujet de préoccupation. En 2022, le Bangladesh figurait parmi les cinq pays ayant le plus de fermetures d’Internet, comme l’a souligné Access Now, une organisation de défense des droits numériques basée à New York, qui a enregistré six incidents de fermeture pour cette seule année.
En réponse à la restriction actuelle des droits numériques, trois défenseurs de la liberté sur Internet basés à Dhakawe ont lancé un collectif de jeunes appelé Activate Rights à la fin de l’année 2021, rassemblant des jeunes du Bangladesh partageant les mêmes idées. Cette initiative promeut la liberté d’Internet en donnant la priorité au plaidoyer, à la documentation sur les droits numériques, à la mesure des réseaux et aux stratégies de contournement. L’objectif est de favoriser un paysage numérique plus démocratique et plus ouvert, en soutenant de petits groupes de jeunes activistes bénévoles dans tout le pays.
Construire une communauté
En 2022, nous avons observé de fréquentes coupures d’Internet lors des rassemblements des partis d’opposition dans les villes de district et de division du Bangladesh, en particulier en dehors de la capitale. Nombre de ces fermetures régionales n’ont pas été documentées en raison d’une couverture médiatique limitée et d’une faible sensibilisation du public aux droits numériques, ce qui a contribué à un manque de compréhension de la liberté d’Internet dans le pays.
Dans ce contexte, Activate Rights a commencé à soutenir des organisations locales et internationales pour documenter les violations des droits numériques, telles que les fermetures d’Internet. Ce travail était entièrement bénévole et sans but lucratif.
Conscients de la nécessité d’une formation structurée et d’une communauté dévouée, nous avons mis en place, avec le soutien de Digitally Right, l’une des principales organisations de défense des droits numériques au Bangladesh, un réseau de personnes formées pour documenter et partager des données sur les fermetures d’Internet et la censure. Nous avons également contribué à doter les journalistes des compétences nécessaires pour rendre compte de ces incidents avec précision. Grâce à cet effort de collaboration, nous avons cherché à sensibiliser davantage le public et à renforcer la résistance aux fermetures d’Internet au Bangladesh.
- Mieux comprendre les motivations des fermetures d’Internet imposées par les gouvernements
- Histoire et politique des fermetures
- Apprendre les différentes formes d’arrêts et leurs nuances techniques
- Explorer les impacts sociétaux et économiques
- Apprendre des stratégies pour contourner les restrictions d’accès à Internet
Les journalistes sont en première ligne pour exposer ces problèmes et plaider en faveur du changement. Pour s’assurer que les journalistes disposent à la fois d’une bonne compréhension des politiques et d’un savoir-faire technique pour signaler les fermetures d’Internet, l’Internet Society organise une série de séminaires en ligne pour les journalistes en 2024. Au cours des séminaires, les participants auront l’occasion de.. :
Inscrivez-vous à nos prochains séminaires qui auront lieu le 6 novembre (anglais), le 11 novembre (français) et le 26 novembre (arabe).
Shutdown Watch : Le premier tableau de bord de surveillance en direct de la coupure d’Internet au Bangladesh
Dans notre travail sur les fermetures d’Internet, nous avons noté que si plusieurs groupes mondiaux s’occupent de ces questions, ils rencontrent des difficultés pour collecter des données normalisées et fiables au niveau national.
Bien qu’Activate Rights ait collaboré avec la KeepItOn Coalition pour la collecte de données et le plaidoyer, il est resté difficile de se connecter avec d’autres organisations traitant des données sur les fermetures d’Internet au Bangladesh. Pour combler cette lacune, nous avons développé une plateforme open-source Shutdown Watch afin de rendre les données sur les fermetures d’Internet au Bangladesh librement accessibles.
Activate Rights a reçu le soutien de technologues civiques pour concrétiser cette vision. Subinay Mustafi Eron, codirigeant d’Activate Rights, et Nayeem Reza, technologue civique, ont co-développé la plateforme.
Notre processus de collecte de données commence par les rapports de notre communauté de mesure sur le terrain, qui est maintenant active dans presque toutes les divisions du Bangladesh. Nous complétons ces rapports par des informations fournies par des journalistes locaux, des fournisseurs d’accès à Internet et, parfois, par des informations anonymes émanant de responsables des télécommunications. Chaque incident est soigneusement vérifié, souvent avec l’aide de militants des droits numériques et de représentants d’organisations nationales de télécommunications, bien que la coopération des entreprises de télécommunications ait été limitée.
Pour garantir l’exactitude de nos données, nous les croisons avec des sources externes, notamment CloudflareRadar, IODA (Internet Outage Detection and Analysis) et l’Internet Society Pulse Shutdown Tracker. Ce n’est qu’après avoir franchi ces étapes que nous ajoutons les données validées au tableau de bord de Shutdown Watch, fournissant ainsi une ressource complète et fiable sur les interruptions d’accès à Internet au Bangladesh.
Regarder vers l’avenir
Bien que Shutdown Watch soit une petite initiative, elle est essentielle pour soutenir la libre circulation de l’information. Le maintien de tels efforts nécessite des ressources et un soutien permanents. Nous prévoyons de publier une version libre du tableau de bord de Shutdown Watch, permettant aux communautés du monde entier de mettre en place leurs propres plates-formes de surveillance adaptées à leurs contextes particuliers.
Shoeb Abdullah est un militant des droits numériques et cofondateur d’Activate Rights.
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.