Les communications intercontinentales sur l’internet reposent sur un réseau complexe de câbles sous-marins qui forment l’épine dorsale de la communication mondiale. Dans le cadre de travaux en cours sur la criticité du réseau de câbles sous-marins, des chercheurs de l’université Northwestern et de l’université du Wisconsin-Madison et moi-même avons effectué des mesures traceroute sur les câbles sous-marins, ce qui constitue une première étape vers la compréhension de leurs vulnérabilités potentielles.
Nous avons commencé par suivre une approche présentée pour la première fois dans un document de synthèse, en partant de l’hypothèse qu’à partir d’un traceroute, il était possible d’identifier le saut ou la liaison présentant le temps de latence le plus important et, si les routeurs associés se trouvaient à proximité d’atterrissages sous-marins, que cette liaison pouvait être rattachée à un ou quelques câbles. Malheureusement, une analyse préliminaire des ensembles de données traceroute a modifié cette hypothèse.
Si nous avons trouvé des traceroutes correspondant à ces attentes, nous en avons aussi trouvé beaucoup d’autres dans lesquels les routeurs associés à une liaison sous-marine étaient très éloignés des points d’atterrissage les plus proches, parfois jusqu’à 700 km. Une analyse plus approfondie a révélé que bon nombre de ces liaisons long-courriers couvrent des distances supérieures à 10 000 km et relient tous les pays du monde.
Motivés par ces premières observations, nous avons mené une étude longitudinale sur les liaisons intercontinentales long-courriers et leurs destinations préférées. Dans un article publié à SIGMETRICS 2024, nous présentons la toute première étude de cette infrastructure longue distance à l’aide d’un vaste corpus de données traceroute collectées à la périphérie du réseau et couvrant une période de sept ans.
Notre étude a révélé l’existence d’un vaste réseau dont les liens s’étendent sur des milliers de kilomètres et dont les nœuds centraux relient pas moins de 45 pays.
Si les liaisons longue distance peuvent être considérées comme la manifestation, au niveau de la couche réseau, des câbles transocéaniques critiques, nous constatons qu’elles sont nettement plus longues que n’importe quel segment de câble sous-marin intercontinental, avec un temps médian d’aller-retour (RTT) de 130 ms, soit près de 84 % de plus que le RTT médian des segments de câble sous-marin (70,76 ms).
Les points de terminaison de ces liaisons sont assez éloignés des points d’atterrissage en route les plus proches. Plus précisément, 64 % d’entre eux se trouvent à 500 km du point d’atterrissage le plus proche et, dans 10 % des cas, cette distance dépasse 3 513 km. Chicago, une “destination” populaire, se trouve à plus de 1 000 km du point d’atterrissage le plus proche et relie pourtant plus de 60 pays en un saut de puce.
Notre étude contribue à l’effort de la communauté pour créer des cartes cohérentes à travers les couches de l’Internet, du niveau AS à la connectivité logique et physique, ce qui est essentiel pour une série d’analyses importantes allant de la performance et de la robustesse à la sécurité.
Cette nouvelle perspective ouvre un large éventail de directions prometteuses pour la recherche future, allant d’une vision différente de l’infrastructure longue distance à l’exploration de ses propriétés clés et de sa stabilité temporelle.
Pour en savoir plus sur notre étude, lisez notre article “A Hop Away from Everywhere : A View of the Intercontinental long-haul Infrastructure“, que nous avons présenté lors de la conférence 2024 ACM SIGMETRICS.
Collaborateurs : Fabián E. Bustamante (Northwestern University), Caleb J. Wang (Northwestern University), Mia Weaver (U. of Wisconsin-Madison) et Paul Barford (U. of Wisconsin-Madison).
Esteban Carisimo est chercheur postdoctoral à AquaLab, un groupe du département d’informatique de l’université Northwestern, dont les recherches adoptent une approche interdisciplinaire de la topologie de l’internet, y compris les IXP, les CDN, la diversité du transit et la congestion du réseau.
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.
Adapté de l’article original paru sur le blog de l’APNIC.