- Une étude indépendante a évalué l’efficacité du programme Connect America Fund (CAF), doté de 10 milliards de dollars, qui vise à améliorer l’accès à l’internet dans les régions rurales et mal desservies des États-Unis.
- Plus de 40 % des adresses financées par le CAF ne sont pas desservies par le fournisseur d’accès Internet correspondant.
- Pour améliorer les futurs programmes d’accès à l’internet et d’accessibilité financière financés par les pouvoirs publics, l’élaboration de politiques en matière d’infrastructures à large bande nécessite un contrôle rigoureux et une évaluation empirique.
Le programme Broadband Equity, Access, and Deployment (BEAD) de la loi américaine sur les infrastructures 2021 est l’investissement le plus récent et le plus important du gouvernement américain dans l’amélioration de la connectivité à haut débit et de l’accessibilité financière dans les zones traditionnellement mal desservies.
Selon le Pew Research Center, 20 % des adultes américains en 2023 n’étaient pas abonnés à un service Internet haut débit à domicile, contre 30 % en 2022. La plupart de ces personnes vivent dans des zones rurales. Par coïncidence, ce sont ces zones qui dépendent le plus des smartphones pour l’accès en ligne.
Avant que le programme BEAD ne commence à se concrétiser, il y a beaucoup à apprendre des programmes similaires du gouvernement, notamment le Connect America Fund (CAF), qui a fourni 10 milliards de dollars de subventions aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en échange du déploiement de nouvelles infrastructures dans ces régions. L’un des principaux enseignements est la nécessité d’améliorer la visibilité du gouvernement et du public sur l’efficacité de ces interventions.
Comme d’autres programmes de subvention similaires, le CAF s’est largement appuyé sur les données déclarées par les fournisseurs d’accès à Internet bénéficiaires. Récemment, ces données ont été remises en question car elles ne donnent pas une image complète de l’inégalité de l’internet.
Sur les campus de Santa Barbara et de Berkeley de l’université de Californie, notre équipe a récemment cherché à résoudre ce problème en concevant un cadre plus transparent et reproductible pour l’évaluation de ces interventions politiques. Nous avons appliqué ce cadre aux données du CAF afin de déterminer si :
- Les adresses certifiées comme desservies par les ISP pendant le programme CAF l’ont été.
- Les services disponibles répondent aux exigences minimales de la CAF en matière de qualité de service, à savoir une vitesse de téléchargement de 10 Mbps et une vitesse de téléchargement vers l’amont de 1 Mbps.
- Les monopoles réglementés offrent une meilleure qualité de service aux utilisateurs que les monopoles non réglementés existants.
Nous nous sommes concentrés sur quatre FAI qui représentaient plus de 50 % des adresses du programme CAF : AT&T, Frontier, Centurylink et Consolidated. Nous avons utilisé une stratégie d’échantillonnage solide, en nous efforçant d’interroger au moins 10 % des adresses dans chaque bloc de recensement couvert par le CAF dans les 15 États que nous avons examinés. Pour plus de détails, veuillez consulter notre article.
La facilité d’entretien et les performances varient
Comme le montre la figure 1, nous avons observé des taux de serviceabilité (la fraction estimée d’adresses qu’un FAI dessert activement) variables parmi les quatre FAI étudiés.
Le taux de viabilité le plus élevé de CenturyLink est encourageant, étant donné qu’il a reçu le financement le plus important du CAF (1,84 milliard de dollars) de tous les FAI. Consolidated Communications (84 %) et Frontier (71 %) occupent les deuxième et troisième places. Le faible taux de viabilité d’AT&T (32 %) est particulièrement préoccupant, étant donné qu’il se classe deuxième parmi tous les FSI en termes de fonds totaux reçus (1 milliard de dollars) et premier en termes d’adresses certifiées comme “desservies”.
Figure 1 – Variabilité de la fraction estimée des adresses que chaque FAI dessert activement. Plus la case est longue, plus la variabilité est importante.
Nous avons étudié la conformité du programme en comparant les vitesses et les prix des plans annoncés sur les sites web des FAI aux normes du programme CAF de la FCC, qui exige que les foyers bénéficient d’une vitesse de téléchargement d’au moins 10 Mbps.
Dans l’ensemble, notre analyse des données indique que 67 % des adresses CAF n’ont pas été desservies par les FAI étudiés qui respectent les règles du programme de la FCC (y compris les adresses où le service n’est pas disponible du tout). Le tableau 1 présente plus en détail les plans à large bande disponibles par FAI.
AT&T (176.53K) | CenturyLink (82.83K) | Consolidated (21.98K) | Frontier (127.86K) | ||||||||||||
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Certified | Advertised | Certified | Advertised | Certified | Advertised | Certified | Advertised | ||||||||
Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % | Mbps | % |
10 | 100 | 0 | 67.660 | 10 | 100 | 0 | 10.024 | 10 | 86.02 | 0 | 10 | 99.98 | 0 | 30.611 | |
AT&T Internet Air | 5.052 | 0.5 | 0.298 | 25 | 12.87 | 3 | 100 | 0.01 | Frontier Internet | 53.255 | |||||
0.768 | 1.153 | 1.5 | 1.996 | 100 | 0.77 | 7 | Unknown Plan | 12.138 | |||||||
1 | 0.976 | 3 | 15.036 | 1000 | 0.33 | 10 | 10 | 0 | |||||||
3 | 1.786 | 6 | 5.664 | 11-99 | 11-99 | 0 | |||||||||
5 | 2.479 | 10 | 32.52 | 100-999 | 100-999 | 0.098 | |||||||||
10 | 3.135 | 11-99 | 34.145 | 1000 | 1000 | 3.895 | |||||||||
11-99 | 9.628 | 100-999 | 1.78 | ||||||||||||
100-999 | 0.359 | 1000 | 0 | ||||||||||||
1000 | 7.767 |
Tableau 1 – Plans à large bande disponibles par FAI, avec indication des pourcentages certifiés et annoncés.
Enfin, nous avons comparé le service reçu par les adresses couvertes par le programme CAF avec des voisins proches desservis par un monopole (dans le même bloc de recensement) qui ne le sont pas. Le même fournisseur de services Internet du CAF dessert ces comparateurs proches, mais sans être soumis aux règles du programme CAF.
Nous avons constaté que, dans la plupart des cas, les plans proposés aux adresses subventionnées par le CAF étaient les mêmes que ceux proposés à d’autres adresses proches non réglementées. Lorsqu’il y avait une différence, les fournisseurs de services Internet offraient généralement aux adresses soumises aux règles du programme de la CAF un meilleur service que les adresses voisines bénéficiant d’un service non réglementé.
Dans les cas où les adresses du CAF ont reçu de meilleurs plans, il y a souvent eu une amélioration substantielle, avec une augmentation médiane d’environ 75 %. En bref, lorsque les règles du programme du CAF améliorent le service aux consommateurs, cette amélioration est significative.
>40% des adresses financées par le CAF ne sont pas desservies
Ces résultats sont préoccupants, car les fournisseurs de services Internet ont accepté des subventions publiques à condition d’offrir un accès à large bande répondant à des normes de service minimales spécifiques. Pourtant, ces FSI ne semblent pas respecter leur part du marché.
Plus de 40 % des adresses financées par le CAF semblent ne pas être desservies par le FAI correspondant financé par le CAF, ce qui contredit les propres certifications des FAI.
Notre étude souligne la nécessité d’un contrôle rigoureux et d’une évaluation empirique dans l’élaboration des politiques relatives aux infrastructures à large bande. Nous espérons que nos conclusions amélioreront à la fois la conception des futurs programmes de large bande (en tenant compte, par exemple, du respect passé des conditions de financement pour les futures subventions) et les mécanismes de vérification a posteriori utilisés pour les évaluer.
Collaborateurs : Varshika Srinivasavaradhan, Laasya Koduru, Elizabeth Belding, Arpit Gupta, Tejas N. Narechania, Kevin Zhang et Xuanhe Zhou.
Haarika Manda est étudiante chercheuse de troisième cycle à l’université de Californie, Santa Barbara.
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.