- Le Japon se classe parmi les meilleurs pays du monde pour l’infrastructure fixe à large bande, mais la performance de son réseau n’est pas à la hauteur.
- Sur le marché de la large bande fixe, les fournisseurs d’accès à Internet ne sont guère incités à partager les détails de leurs performances.
- En développant de meilleurs outils de mesure et des incitations plus fortes à la divulgation, le Japon peut passer d’une concurrence basée sur des revendications théoriques à une concurrence basée sur une qualité réelle et vérifiée.
Le Japon est connu pour avoir l’une des infrastructures à large bande les plus avancées au monde. Avec une couverture en fibre optique atteignant près de 100 % des ménages et un classement élevé dans les statistiques de l’OCDE sur la pénétration du haut débit, il apparaît comme un leader numérique.
Pourtant, un examen plus approfondi révèle une contradiction surprenante. Dans le classement des tests de vitesse d’Ookla, le Japon n’occupait que la 24e place pour le haut débit fixe en juin 2025. Ce décalage entre les vitesses annoncées et les performances réelles définit le “paradoxe du haut débit” au Japon. Derrière une infrastructure impressionnante se cache un manque de transparence qui frustre les utilisateurs et fausse les incitations du marché.

Pourquoi le déficit de transparence persiste-t-il ?
La récente enquête en ligne que j’ai menée auprès de 640 utilisateurs de la large bande met en évidence l’ampleur de ce problème.
La plupart des personnes interrogées accordent la priorité aux frais mensuels et aux vitesses annoncées lorsqu’elles choisissent un fournisseur d’accès à l’internet (FAI). Cependant, plus de 25 % ne se souvenaient pas de la vitesse de leur forfait et près de 60 % ne connaissaient pas la signification de l’expression “meilleur effort”, qui indique que les vitesses réelles peuvent varier considérablement. Il est à noter que les personnes interrogées ayant souscrit à des forfaits plus onéreux ont reçu des fractions plus petites des vitesses promises, ce qui suggère un modèle de “publicité excessive”. Dans l’ensemble, 65 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles souhaitaient être dédommagées, si possible, en cas de mauvaise performance.
Le modèle réglementaire du Japon fait partie du problème. Alors que la protection générale des consommateurs japonais repose sur des lois telles que la loi contre les primes injustifiables et les représentations trompeuses, son marché du haut débit fixe est régi par des lignes directrices non contraignantes. Ces lignes directrices autorisent les fournisseurs à annoncer des vitesses maximales “théoriques” en se contentant d’une clause de non-responsabilité “pour le meilleur effort”. Cette approche contraste fortement avec les règles juridiquement contraignantes des États-Unis et de l’Union européenne qui exigent la divulgation des performances réelles et mesurées des services. Cela crée un “dilemme du prisonnier” classique : si un fournisseur communique honnêtement alors que les autres exagèrent, celui qui est honnête risque de perdre son marché. Par conséquent, personne n’est incité à faire preuve de transparence, et les consommateurs sont laissés dans l’ignorance.
Pour résoudre ce problème, nous devons envisager la transparence non pas comme une charge réglementaire, mais comme une stratégie concurrentielle.
Un cadre pour la confiance et la transparence
Un système fiable et multicouche de contrôle de la qualité de la large bande peut réaligner les incitations et aider le Japon à tenir sa promesse numérique. L’approche proposée comprend
- Données de performance collectées par la foule : Permettre aux utilisateurs de tester et de communiquer leurs vitesses réelles à l’aide d’outils en ligne gratuits.
- La normalisation des informations communiquées par les prestataires : Exiger de tous les prestataires qu’ils communiquent eux-mêmes leurs données de performance en utilisant des formats cohérents.
- Audit et vérification indépendants : Valider les données des utilisateurs et des fournisseurs par le biais d’audits réalisés par des tiers neutres.
Cette structure présente plusieurs avantages.
Tout d’abord, elle donne du pouvoir aux consommateurs : les données vérifiées sur les écarts entre les vitesses annoncées et les vitesses mesurées peuvent servir de preuves recevables pour les plaintes déposées en vertu des lois japonaises sur la protection des consommateurs.
Deuxièmement, il exerce une pression sur la réputation des prestataires. Les prestataires sont fortement incités à aligner leurs affirmations sur la réalité si des institutions tierces publient régulièrement des données comparatives sur les performances. Avec le temps, cette observabilité fait de la divulgation honnête la stratégie la plus rationnelle.

Tenir ses promesses
Le marché japonais de la large bande est bloqué dans un équilibre de faible confiance où les promesses exagérées ne sont pas remises en question et où les performances réelles sont à la traîne. Mais cette situation peut changer.
Avec de meilleurs outils de mesure et des incitations plus fortes à la divulgation, le Japon peut passer d’une concurrence fondée sur des affirmations théoriques à une concurrence fondée sur une qualité réelle et vérifiée. Cela permettrait aux consommateurs de faire de meilleurs choix et de récompenser les fournisseurs qui tiennent leurs promesses.
L’infrastructure est en place. Il est maintenant temps de l’assortir de transparence.
Toshiya Jitsuzumi est professeur à l’Université Chuo de Tokyo, spécialisé dans la politique des télécommunications, la gouvernance de l’IA et la réglementation des plateformes numériques. S’appuyant sur plus de 15 ans d’expérience au ministère japonais des affaires intérieures et des communications, il mène des recherches sur la transparence du haut débit, la conception de marchés durables et la gouvernance mondiale des technologies émergentes.
Les opinions exprimées par les auteurs de ce blog sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Internet Society.
Photo par Brett Jordan VIA Flickr


